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1972

Le Capitole

L’Institut de l'environnement à Paris présente en 1972 une exposition du Space-Media réalisée dans le journal Le Monde et invite Fred Forest dans un séminaire d’enseignants des Ecoles d’art à réaliser une action pédagogique sur la TV de proximité dont il est un des promoteurs.
Cette action qui prendra la forme d'une installation-animation met en évidence et préfigure avec des notions devenues majeures aujourd’hui, ce qui sera l’intérêt permanent de Fred Forest, dès les années 70 : celles de mise en réseau et d’action à distance, dans des configurations communicationnelles originales et inédites.

Communication  Critique et Éthique 

Paris (FR)

Thème: Echanges

Typologie: Dispositif

Médium et média: Vidéo

#Participation  #Pédagogie 

Cette vidéo diffusée avec l’aimable autorisation du service du cinéma de la SNCF et de Lucien Censier.

1972 Le Capitole

Une tentative de Fred Forest pour créer une télévision participative de proximité.

En 1972 existe à Paris un Institut de recherche multidisciplinaire rue d’Ulm répondant au nom d’Institut de l’environnement autour duquel gravitent plusieurs responsables dont Alexandre Bonnier inspecteur à la création artistique, Manfreid Enseinbeis futur créateur de l’Ecole des nouveaux médias à Kôln, Jacques-Emile Bertrand sociologue et professeur. L’Institut présente en 1972 une exposition du Space-Media, espace de participation réalisé dans le journal Le Monde et invite Fred Forest dans un séminaire d’enseignants des Ecoles d’art à réaliser une action pédagogique sur la TV de proximité dont il est un des promoteurs.

Le dispositif créé par Fred Forest dispose de 25 personnes qui sont réparties par groupe de 5 personnes dans des cellules de travail équipées d’un téléphone fixe connecté au réseau et d’un moniteur de TV qui les relient en circuit fermé à une régie occupée par Fred Forest.

Chaque cellule dispose d’une série de quotidiens du jour et d’une feuille leur communiquant les instructions. L’objet pour chaque groupe consistera à inventer pour chacun d’eux une histoire fictionnelle à partir de trois noms (deux hommes et une femme) dont les prénoms et les numéros de téléphone respectifs leurs sont communiqués ...

Ils découvriront au cours de l’appel téléphonique à ces personnes requises pour répondre, que le point commun entre les trois, c’est que toutes les trois (qui ne se connaissent pas en principe !) prennent le même train qui se rend à Toulouse. Un train qui porte pour nom : LE CAPITOLE et que la SNCF lançait alors à l’époque à grand renfort de publicités…

Le jeu pour les participants était également de rester enfermés dans leur cellule jusqu’à la fin de l’expérience c’est-à-dire jusqu’ au moment où le groupe ait produit collectivement son histoire et soit prêt à la transmettre au collectif du séminaire réuni.

Bien entendu selon les prévisions de Forest, la trame de l’histoire qui relie ces deux hommes et cette femme doit se nouer dans le Capitole…

Depuis sa régie, Forest leur communiquera tout au long des cinq heures que va durer cette animation, soit individuellement, soit collectivement, des informations essentielles qui conditionnent le contenu de la fiction que chaque groupe est tenu d’inventer à partir de ces éléments communiqués. Dont un film sur le Capitole qui tourne en boucle.

Bien entendu les trois correspondants téléphoniques sont tous des complices qu’il a mis en place dans trois lieux différents de Paris pour les besoins de son action.

Enfin, ils devront trouver dans la pile des journaux du jour mis à leur disposition un élément crédible lié à l’actualité du jour, à rattacher à l’histoire qu’ils montent. Comme Forest met en jeu, dans son action, avec ses téléphones une part de la réalité contingente, l’utilisation de la presse du jour répond aux mêmes intentions.

Cette expérience, hélas sans suite, aux regrets de l’artiste, a démontré comment les œuvres d’art peuvent et doivent sortir de leurs formes rigides et quelque peu sclérosées pour s’acheminer vers des formes nouvelles jouant sur une fiction qui s’alimente aux sources d’une réalité contingente toujours présente et à l’imaginaire des participants. Fred Forest avait proposé pourtant au Ministère de la culture que le modèle de cette expérience soit généralisé dans les Ecoles des Beaux-arts. Proposition restée sans suite …

Au cours de ses interventions par le truchement de la télévision fermée avec laquelle il communique en permanence avec les groupes, Forest fera à un moment donné une provocation. En s’adressant à eux et se faisant passer pour un des participants qui se serait emparé de son micro, il lui fait dire :

« Vous ne trouvez pas que Forest exagère il est le seul à pouvoir intervenir sur l’action. Je vous invite à sortir de vos cellules et à vous emparer du micro comme je l’ai fait moi-même ». Personne ne réagira à cette proposition montrant notre trop grande passivité devant ceux qui ont le pouvoir des médias entre les mains. Son intervention critique visant, avec une intention manifestement pédagogique de sa part, à rompre cette trop grande passivité.

Concept et finalité

Cette installation-animation met en évidence et préfigure ce qui sera l’intérêt permanent de Fred Forest, dès les années 70, pour des notions devenues majeures aujourd’hui, telles que celles de mise en réseau et d’action à distance, dans des configurations communicationnelles originales et inédites.

Dispositif

  • Une régie centrale T.V. en circuit fermé + équipements téléphoniques.
  • 5 cellules autonomes équipées de moniteurs de réception + postes et lignes téléphoniques.
  • 15 assistants extérieurs répartis dans 15 départements sur le territoire français, chargés de répondre aux questions des 25 personnes occupant les cellules de participation à raison de 5 participants par cellule.

Déroulement

L’artiste concepteur du dispositif et meneur de jeu invite 25 personnes volontaires à occuper les cellules par groupe de 5. Il leur signifie qu’elles y seront "  enfermées " pour une durée maximum d’une heure. À partir des images qui sont diffusées alors sur les moniteurs et des informations qu’ils reçoivent, chaque groupe a pour mission d’élaborer, en concertation, une " fiction ". Le contexte des images et celui de l’activité des voyageurs dans une gare parisienne au départ du train le " Capitole " qui dessert Toulouse. L’artiste intervient en temps réel à l’aide d’un circuit fermé de vidéo, donnant aux participants des informations successives qui les amènent à aller recueillir d’autres informations qui se recoupent, auprès des correspondants téléphoniques en attente de leurs appels. La trame de chaque fiction s’élabore en temps réel, au fur et à mesure, en fonction des choix des participants et fait intervenir les personnages qui sont censés être ceux-là mêmes qui en sont… les protagonistes. Le lieu de leur rencontre est celui d’un compartiment du train où leurs existences se croisent. Dans un deuxième temps, chaque groupe utilisera des journaux du jour mis à sa disposition pour faire une mise en relation des " héros " de la fiction développée avec des faits de l’actualité. Enfin, dans un troisième temps, les groupes seront appelés à se réunir ; et chacun d’eux mettra en scène, à tour de rôle, sa propre " fiction " pour la communiquer aux autres groupes, après avoir fait le choix des moyens retenus comme supports de narration (narration orale, scripturale, théâtre, vidéo, mixmédia, etc.).

Au cours de l’animation Fred Forest effectuera de nombreuses " provocations ", intervenant en direct sur le réseau des cellules en place, comme s’il était quelqu’un d’autre (présence au son et non plus à l’image). Interventions visant, pédagogiquement, à faire comprendre aux participants qu’ils sont l’objet d’une " manipulation " programmée dans laquelle c’est l’artiste, et lui seul une fois de plus, qui, détenant les moyens d’information, est le maître véritable d’un jeu de création prétendument libre. Les appelant à se " rebeller " en transgressant les règles imposées ; et à prendre d’assaut la régie centrale d’où il officie pour s’emparer des moyens de communication, c’est à dire de… création.

1972 Le Capitole, Institut de l’environnement

Dans le cadre d’un séminaire réunissant des professeurs des écoles d’art.

A l’initiative de Fred Forest trois personnes imaginaires (Deux hommes et une femme) se rencontrent dans un train qui les mène à Toulouse et se noue une relation entre eux. Une fiction en 6 heures contractée en 6 minutes ici dans le Capitole qui relie Paris à Toulouse le train le plus rapide à l’époque… A chaque groupe le soin d’imaginer collectivement la relation des trois personnes qui l’empruntent, et au final pour chaque groupe de restituer l’expérience vécue dans cette création collective, avant d’en transmettre le récit aux autres groupes réunis pour la clôture du séminaire.

La télévision en partage dossier N° 3, IDERIV-Institut d’Étude et de Recherche en Information Visuelle, sous la direction de Jacques Monnier-Raball, École des Beaux-Arts de Lausanne, 1973

Biographie longue de Fred Forest

Fred Forest a une place à part dans l’art contemporain. Tant par sa personnalité que par ses pratiques de pionnier qui jalonnent son œuvre. Il est principalement connu aujourd’hui pour avoir pratiqué un à un la plupart des médias de communication qui sont apparus depuis une cinquantaine d’années. Il est co-fondateur de trois mouvements artistiques : ceux de l’art sociologique, de l’esthétique de la communication et d’une éthique dans l’art.

Il a représenté la France à la XIIème Biennale de São Paulo (Prix de la communication) en 1973, à la 37ème Biennale de Venise en 1976 et à la Documenta 6 de Kassel en 1977.

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