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1977 à 1980

Le Territoire du M2

Le Territoire du M2 est une œuvre d’art que Fred Forest a développée sous forme d’un récit sur une cinquantaine d’années de 1977 à 2020. Cette œuvre composite a intégré à son concept initial de Territoire du M2, des éléments appartenant à la réalité physique, c’est à dire des objets matériels, mais également des informations factuelles, sociales, économiques et politiques.

1977

Travaux du Territoire du M2

1977

Pierre Restany parle de Fred Forest en parlant de " supplément d'âme " suivi d'un document sur le M2

Travaux du Territoire du M2
1977
Travaux du Territoire du M2
Pierre Restany parle de Fred Forest en parlant de " supplément d'âme " suivi d'un document sur le M2
1977
Pierre Restany parle de Fred Forest en parlant de " supplément d'âme " suivi d'un document sur le M2

1977 TERRITOIRE DU M2 ARTISTIQUE

 Après les péripéties qui ont marqué la naissance du m2 avec les deux épisodes de sa vente sous forme de M2 « non artistique » et de la réunion d’experts à l’Hôtel Crillon pour en déterminer le véritable statut, celui-ci change de statut par une extension qu’i le transforme en TERRITOIRE DU M2. Il s’agit maintenant pour l’artiste qui abandonne son terrain trop exigu en Suisse pour la suite de ses opérations de faire l’acquisition en France d’un terrain plus vaste muni de bâtiments adaptés.

Très vite il abandonne Paris les prix lui étant inaccessibles pour se replier dans une petite commune de l’Oise qui porte le nom d’Anserville. Pour une bouchée de pain il fait l’acquisition d’un pavillon de chasse du Château d’Anserville pratiquement à l’abandon. Il se trouve que la personne qui occupe le Château en viager est un vieux Monsieur célèbre, Bertrand de Jouvenel, un des tous premiers futurologues dont la maîtresse avait été Colette l’écrivaine. L’artiste lui rend une visite de courtoisie et lui parle de ses projets. Quand Fred Forest le quittera ce dernier lui avoue : « Cher voisin je n’ai pas compris grand-chose à vos projets mais je suis sûr que vous allez rendre Anserville célèbre »

Le terrain de la propriété étant en forte déclivité Forest due entreprendre des travaux pour l’aplanir en recourant à divers engins de terrassements et refaire une partie des toitures d’ardoises. Habitant seul sur place, les portes et les fenêtres de cette grande bâtisse étant branlantes pour résister au froid il dû se calfeutrer à longueur de journées sous d’épaisse couverture de laine. Au gré de ses maigres revenus les lieux ont mis en trentaine d’années pour prendre forme avant que ce qu’il appelle lui-même ses travaux d’Hercule ressemblent à ce qu’il désirait que ça ressembla…

C’est-à-dire un lieu de pouvoir où c’est l’imagination qui règne avant celui de l’argent et de la finance. Avec ses différentes salles représentant d’une façon parodique les fonctions dévolues à tout état constitué.

Au tout début dans la prise en charge des lieux un artiste architecte Guy Lozach’ que Forest surnomme le mage noir et un géomètre qualifié relève les côtes du terrain peu avant que les engins de terrassements ne débarquent. L’artiste qui se nomme lui-même par dérision le « potentat débonnaire » du Territoire assume cette dénomination quand il s’adresse par écrit à de vrais chefs d’Etat pour les conseiller dans une abondante correspondance, où quand il pratique des conférences dans la salle du pouvoir où proclame ses discours du haut de son balcon.

Sommaire :

Explication du Territoire du M2

Le Territoire du M2 est une œuvre d’art que Fred Forest a développée sous forme d’un récit sur une cinquantaine d’années de 1977 à 2020. Cette œuvre composite a intégré à son concept initial de Territoire du M2 des éléments appartenant à la réalité physique, c’est à dire des objets matériels, mais également des informations factuelles, sociales, économiques et politiques. Informations qu’il s’est appliqué, non seulement à représenter, mais à nourrir d’actions réelles et imaginaires, dont il s’est déterminé lui-même comme le producteur privilégié. Cette œuvre totale, pour être perçue à sa mesure, demande un positionnement autre que celui du regardeur habituel qui met en phase la plénitude de ses facultés et de sa culture visuelle pour saisir l’objet qu’il a sous les yeux. Elle requiert même de lui un certain abandon des a priori qui en justifient les fondements naturels par lesquels en général, il y découvre ou non, au final, son plaisir esthétique. Comme c’est le cas pour l’art conceptuel, le substrat de l’œuvre du Territoire (aussi jolies que soient les images qui le représentent) ne se trouve jamais à vrai dire dans les apparences de la forme (sauf quand le regard finit par être dévoyé et perverti par le regard « du monde de l’art »), mais dans son essence-même et la faculté intuitive d’être pleinement comprise.

Une sorte d’œuvre de notre temps qui n’est, bien entendu, jamais uniquement à voir mais, plutôt à « être examinée » en profondeur, certes à l’aide de tous nos sens, mais surtout, et plus encore, avec ce que l’on nomme "l’intelligible" capacité de l’être humain. Nous prônons cette culture-là comme prééminente sur une culture visuelle dominante qui s’en tiendrait essentiellement à l’analyse des formes et des couleurs. Un chef d’œuvre n’est pas seulement une œuvre à regarder, mais aussi à sentir, à comprendre, en faisant jouer ses capacités intellectuelles et à partager avec son auteur. Leonard de Vinci ne disait-il pas déjà que la peinture était "causa mentale" ?

1980 Le Territoire

TERRITOIRE DU M2, ANSERVILLE, OISE.
CONCEPT :

Lieu physique d’échanges interactifs, élaboré à partir de la notion de réseau, de communication et de simulation, où des personnes physiques, sur place ou à distance (voie postale, téléphone, fax, citizen band ou radio-amateur) engagent différents types de relationnel …

Ce projet s’inscrit dans la suite logique de l’action du "mètre carré artistique" dont il en constitue en quelque sorte un territoire, à la fois virtuel et cependant matérialisé, à cinquante kilomètres au nord-ouest de Paris. Il ne s’agit donc pas d’un lieu de pure fiction mais d’un lieu véritablement réel que Fred Forest, sur une durée de vingt ans a mis en forme, agencé, équipé … en en concevant et en en perfectionnant, au fur et à mesure, la forme et le système.

L’artiste a construit là un outil qui répondait avec pertinence à une nouvelle forme d’activité artistique. Un peu comme si un peintre, un jour, inventait les pinceaux, la toile et les couleurs, avant que la peinture comme moyen d’expression artistique n’existe … précisément pour pouvoir en faire !

Jeu de communication et de simulation, le projet du Territoire se donne comme une œuvre collaborative complexe dont les niveaux de sens et d’interventions sont multiples.

DISPOSITIF :

Implantation-Territoire-M2
Implantation Territoire M2

Ce projet mis en place dans le courant de l’année 1980, se développe dans le temps, sans jamais en principe s'interrompre. Sa nature " multiforme " et ouverte, dans une situation de devenir permanent et de créativité, est susceptible d'évolution en fonction des mutations de l'environnement. Il fait suite aux actions médiatiques dites du " mètre carré artistique " sur lesquelles il fonde ses origines, mais dont la finalité devient de nature autre.

L'œuvre proposée se matérialise en quelque sorte, ici, par un terrain et un bâtiment qui constituent, en soi, un État indépendant au sein de la République Française. Un État qui ne répond plus qu'à ses propres lois et règles. Lesquelles sont, bien entendu, établies et modifiées par l'artiste, qui décide du bien-fondé selon son bon plaisir et les urgences du moment. Les bâtiments hébergent le pouvoir central du Territoire et ses différents services. Les salles sont aménagées selon des symboles et des fonctions propres au système créé par l'artiste sous forme d’un musée-action.

Le dispositif fonctionne comme un jeu de simulation et de communication qui traite par les mécanismes de l’imaginaire, du délire organisé, de l'irrationnel et du bon sens, les problèmes de société de manière dialogique et interactive. Après accord de l'administration territoriale, il est possible de devenir citoyen du " Territoire " par souscription d'une parcelle d'un mètre sur un mètre. Cette souscription donne droit aux titres afférents qui ont valeur de documents originaux, signés de la main de l'artiste. Cette formalité remplie, les citoyens sont admis et invités automatiquement à participer au jeu de communication et de simulation initié. Ils peuvent choisir également de n'en rester que les spectateurs passifs s'ils le désirent. Dans les deux cas, ils reçoivent, semblablement, des informations qui alimenteront par des traces matérialisées l'œuvre en cours, et la complètent pour chacun d'entre eux, sans que le terme en soit fixé. Le " Territoire " constitue, également, la base opérationnelle d'actions artistiques, spécifiques, menées par l'artiste, conformément aux pratiques de l'Art Sociologique et de l'Esthétique de la Communication.

1977 Création du Territoire du M2

Son M2 étant maintenant pleinement reconnu Fred Forest passe à la seconde phase de son action avec son Territoire du M2. Celle-ci comportant non seulement le rapatriement du fameux M2 en France mais également sa multiplication sous forme d’un territoire. Pour implanter son Territoire du M2, Fred Forest s’est mis en quête d’un terrain au plus proche de Paris. Il a entrepris des négociations pour commencer avec un propriétaire terrien de l’Oise qui devait lui céder un bunker à grain à aménager comme siège de son gouvernement. Après six mois de négociation l’affaire tombe à l’eau ! Enfin, près de Cergy, il envisage de faire l’acquisition pour un franc symbolique, d’une usine pratiquement neuve du fait qu’une loi récente gelait toutes les activités sur le plateau de Cergy pour aménagements de la ville nouvelle. Après six mois de pourparlers avec les instances administratives, nouvel échec avec la visite de l’architecte des bâtiments de France qui déclare non recevable la candidature de l’artiste. Mais Forest, dont on connaît la persévérance, continue ses investigations et miracle trouve une nouvelle solution ! Toujours dans l’Oise, il découvre le lieu idéal. Il s’agit d’un pavillon de chasse du château voisin, enceint d’un mur de garde et pratiquement en ruines. Affaire conclue, il relève ses manches, met tout le monde autour de lui au travail et le Territoire naît ainsi sous nos yeux, ayant pris déjà forme depuis longtemps dans sa tête... Un terrain, certes en pente, à aménager pour son aplanissement avec de grands bâtiments qui deviendront le siège futur de son gouvernement. Sur la vidéo incluse, on le voit sur place entouré d’un architecte : Guy Lozach un ami proche de Fred Forest (avec Pierre Restany ils avaient participé à l’une de ses actions induites sous le nom d’EQUINOXE) et un géomètre professionnel qui prennent les relevés du terrain destiné à devenir le Territoire du M2 artistique. Tandis que des machines de terrassement dont une énorme Poclain procèdent aux travaux engagés sur place, on verra également les ouvriers qui refont la toiture avant que tout ce monde dans la meilleure ambiance se restaure et partage une bonne bouteille.

Une façon de vous faire partager avec cette vidéo l’implantation du Territoire un demi-siècle plus tard…😊

Projet : Qu’en pense-t-on donc du côté du Territoire du M2 ?

Ce projet aurait dû se réaliser avec le présentateur de TV Yves Mourousi, avant sa disparition subite, comme une plateforme d’information et d’action sous forme d’une émission régulière faisant intervenir sur le Territoire du M2 différents responsables de la société : Femmes et Hommes politiques, syndicaux, scientifiques, écrivains, sportifs etc... nous  donnant les pistes pour la société de demain.

Ce travail que j’ai entrepris avec l’élaboration du concept « Qu’en pense-t-on du côté du Territoire du M2 ? » avait pour intention d’inscrire ce projet dans une dimension nationale. Un projet dont la forme nouvelle échapperait aux critères qu’on attribue en général aux productions relevant de l’art pur et simple pour rejoindre une animation sociale d’ordre médiatique de grande envergure.

Le Territoire devenant également à partir de sa forme physique, lui servant de base, une plateforme informationnelle lui permettant les interventions ponctuelles d’individus donnés représentatifs d’un rôle ou d’une fonction sociétale reconnus. (Leaders politiques, syndicalistes, intellectuels, dirigeants d’entreprise). Ces derniers étant invités en portant une parole radicalement neuve et imaginative à faire des propositions sortant nécessairement des lieux communs habituels pour offrir des solutions autres.

La mise en œuvre d’un tel projet demandait que soient remplies les conditions suivantes pour moi :

  • Disposer d’une audience médiatique grand public par une émission de TV qui puisse disposer du temps nécessaire pour imposer le concept avec une régularité mensuelle
  • Avoir convaincu un présentateur vedette de son intérêt pour qu'il accepte de s’investir assez pour en faire sa propre création
  • Son cadre de réalisation devait être le lieu du Territoire du M2 lui-même à Anserville dans l’Oise

Yves Mourousi personnage non conformiste et brillantissime présentateur de TV, aussi bien à l’aise dans son studio que pour ses interviews de chefs d’Etats à des milliers de Kms de Paris, était l’homme de la situation. Lui seul en France pouvait être selon moi l’homme providentiel pour jouer un tel rôle, apportant au projet son profil provocateur, son sens de l’humour, sa verve de grand professionnel et surtout son professionnalisme. J’avais eu la chance de l’approcher en 1982 à l’occasion de mon projet la "Bourse de l’imaginaire" réalisé au Centre Pompidou. D’un abord facile nous avions sympathisé immédiatement et curieux de toutes choses, il avait perçu au-delà de l’aspect provocateur de ma démarche, son côté critique sérieux et idéaliste. Il me prenait toujours au téléphone depuis que, lors d’un entretien, notre conversation avait été interrompue au cours de la préparation du Journal par un de ses assistants. Il avait laissé son combiné ouvert sans le raccrocher sur son bureau, m’ayant oublié pendant plus de quinze minutes, me conduisant à saisir ce qu’il pensait (en mal d’un homme politique de l’époque). Quand il avait repris le combiné en main, surpris que je sois encore là, il s’était beaucoup amusé de cette situation, riant aux éclats et m’avait fait promettre de ne rien en dire au personnage en question… qu’il avait traité copieusement de tous les noms au cours de sa conversation.

Cette blague est devenue récurrente entre nous chaque fois qu’il m’arrivait de pouvoir, par chance, le joindre au téléphone. Quand il préparait beaucoup plus tard les festivités pour l’An 2000, il n’était plus alors le présentateur vedette d’un journal TV mais disposait, bien entendu, dans les milieux de la Télévision de l’époque de toute l’audience nécessaire pour trouver un créneau pour notre émission sur le thème du Territoire du M2.

Malheureusement, Yves décédait d’une crise cardiaque au moment où le projet allait être mis sur pied et lancé…

Je voudrais poursuivre ce travail sur les médias et les réseaux sociaux en imposant en qualité d’artiste mais aussi de Président du Territoire à force de répétition, la formule de : Mais qu’est-ce qu’on en pense du côté du Territoire ? Ce qui donnerait sens à la récurrence quelque peu parodique de ma propre photo dans un fauteuil présidentiel dont le pouvoir en qualité d’artiste n’est hélas aujourd’hui que symbolique…

Le Territoire étant de facto un territoire hors-norme dont le message délivré est toujours un avis décalé et critique de la société dans laquelle nous vivons, est la gageure dans laquelle nous nous trouvons qui n’est nullement simple à résoudre. Le rôle politique au sens noble du terme que je veux donner en priorité à mon projet du Territoire va bien au-delà du sens artistique qu’il porte également bien entendu.

Un peu comme le sens que Picasso réunit parfaitement et formidablement dans son œuvre Guernica.

Mais le succès d’une telle formule n’est pas évidente à s’imposer par elle seule, comme par les moyens dérisoires et purement symboliques dont je dispose. Elle demanderait certes de l’imagination, du temps, du travail mais encore que soient réunies les conditions exceptionnelles qui constituent un facteur chance extraordinaire ! Car passer en effet du rôle d’artiste à celui du politique n’est pas une mince affaire. Mais dans tous les cas qui se présentent comme possibles, seule la réunion de conditions conjoncturelles extérieures historiques le permettent. Quand elles sont là, à l’artiste de s’en saisir !

Territoire du M2 - Webmuseum snip anglais
Territoire du M2 - Webmuseum snip anglais

2019 Performance Mains d’œuvres

Décembre 2019
A l’invitation de Juliette Bombois, Directrice de Mains d’œuvres, Fred Forest se rend un dimanche sur place pour visiter les lieux et proposer un projet autour du Territoire du M2. Il s’agirait de transformer les 4000 M2 constitués par le complexe des bâtiments de doter la ville de Saint Ouen d’une extension du Territoire du M2.

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  • " Le Territoire ", Coloquio Artes, Fondation Gulbenkian, textes de Pierre Restany, René Berger, Fred Forest n°44, mars 1980, Lisbonne.
  • " Le Territoire ", Jean-Louis Pradel, Opus International n°72, Paris 1979.
  • " Le Territoire ", Vilém Flusser, " +-0 " n°17, Bruxelles, Belgique 1977.
  • " Le Territoire ", Fred Forest, Opus International n°77, Paris, 1980.
  • " Le Territoire ", Éditions du Territoire, Pierre Restany, Anserville 1979.
Libération
Libération

 

Biographie longue de Fred Forest

Fred Forest a une place à part dans l’art contemporain. Tant par sa personnalité que par ses pratiques de pionnier qui jalonnent son œuvre. Il est principalement connu aujourd’hui pour avoir pratiqué un à un la plupart des médias de communication qui sont apparus depuis une cinquantaine d’années. Il est co-fondateur de trois mouvements artistiques : ceux de l’art sociologique, de l’esthétique de la communication et d’une éthique dans l’art.

Il a représenté la France à la XIIème Biennale de São Paulo (Prix de la communication) en 1973, à la 37ème Biennale de Venise en 1976 et à la Documenta 6 de Kassel en 1977.

EXPOSITION AU CENTRE POMPIDOU DU 24 JANVIER AU 22 JUILLET 2024

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