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1975

Biennale des années 2000 à São Paulo

Dès l’ouverture de sa Biennale 2000 Fred Forest frappe fort par la première journée qu’il consacre aux femmes artistes. Une fois de plus, il joue sur la « distanciation » du temps pour faire du sens. 

Sociologique  Critique et Éthique  Politique 

São Paulo (BR)

Typologie: Animation

Dès l’ouverture de sa Biennale 2000 Fred Forest frappe fort par la première journée qu’il consacre aux femmes artistes. Une fois de plus, il joue sur la « distanciation » du temps pour faire du sens.

Nous sommes en 1975, ne le perdons pas de vue, donc il y a une cinquantaine d’années…
Forest toujours en avance sur son temps et ses contemporains inaugurait ce qui est devenu à notre époque une sorte de leit-motiv dans les réseaux sociaux. Mais les femmes sont déjà là présentes pour le soutenir dont Amélia Tolédo l’artiste phare Brésilienne qu’on voit ici au premier rang sur la photo, féministe avant l’ heure,  accompagnée d' Anesia Pacheco Chaves, Régina Vater, Radah Abramo , comme d’ailleurs Walter Zanini, qui en qualité de Directeur du MAC n’a pas hésité à prendre des risques énormes en mettant l’infrastructure de son musée à sa disposition, afin qu’il puisse monter son action. Une action éminemment subversive à la pire époque du régime militaire.

Forest avec son sens inné de la communication anime alors les lieux avec une équipe d’une dizaine d’artistes dissidents qui s’employaient à franchir les portes de communication grandes ouvertes entre la Biennale officielle de 1975 et sa propre Biennale imaginaire qui elle se déroulait en l’an 2000…

Chacun des artistes improvisant des performances sur un mode ironique et subversif. Forest sa caméra en main traversant la porte symbolique pour partir un instant de l’Année 2000 qu’il préside pour se rendre   en 1975 où il réalise quelques interviews dont ceux de Jack Bolton le jeune commissaire qui accompagne les artistes Américains et qui lui promet d’aller faire un tour dans sa Biennale de l’An 2000. Il rattrape par la manche Jacques Lassaigne commissaire à vie de la Biennale (A l’époque un cacique de l’art Français qui occupe à sa tête le Musée d’art Moderne de la ville de Paris…). Il y a quelques temps lors d’une émission de Parinaud, le « Forum des arts », il l’avait pris à part un instant pour lui dire d’un ton faussement paternel « que ce qu’il faisait avec cet outil technique qu’on appelle la vidéo, n’arriverait jamais à rien pour l’art » ! Forest profitant de l’occasion qui se présentait fort opportunément, lui rappela ses prophéties, pour lui dire : « Vous voyez Mr Lassaigne, cette vidéo avec laquelle je vous enregistre, m’aura au moins amené jusqu’à vous aujourd’hui… en attendant que je vous remplace très bientôt comme commissaire Français ».

Lassaigne sans un mot de réponse s’éloigna de l’artiste après un léger haussement d’épaule. Par chance un journaliste de O Estado qui passait incidemment par-là, écrivait dans son journal comme scoop le lendemain : « Fred Forest nomeado futuro curador francês da Bienal, em substituição de Jaques Lassaigne » Comme je vous l’ai toujours dit les medias n’ont jamais fini de me gâter tout au long de ma vie ! » 😊

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1975 BIENNALE 2000 pour la XIIème Biennale de Sao Paulo

La capacité de Fred Forest à trouver des thèmes à ses actions qui reposent sur une imagination toujours renouvelée, semble infinie. Là encore il joue sur la capacité de distanciation et de projection dans le temps qui lui permet, de décréter que la Biennale qu’il propose en regard de la Biennale officielle qui se déroule cette année en 1975, se réalise alors que nous sommes en l’an 2000 soit en avance de 25 ans. Cette distance de 25 ans qu’il impose au temps lui permet d’imaginer que dans ce laps de temps beaucoup de choses auront disparu par exemple que dans le meilleur des cas le régime militaire aura laissé la place à un régime profondément démocratique... Et il convoque une vingtaine d’artistes Brésiliens   dissidents qui ont refusé de participer à la Biennale officielle de 1975 pour participer à sa Biennale utopique qu’il a l’intention d’installer dans la Biennale officielle. Comme toujours son désir de perfection l’amène à préparer depuis Paris sa Biennale dans le moindre détail et se mettant dans la peau des organisateurs d’envoyer des flyers par voie postale riche de détails dans le monde entier, annonçant à des musées et des opérateurs culturels du monde entier les modalités qui présideront à sa propre Biennale de l’an 2000 qui se déroulera bien entendu en 1975, commençant et finissant le même jour que la Biennale officielle et dans le même lieu.

C’est-à-dire dans le parc Ubirapuera où se trouve l’imposant hall construit à Sao Paulo par Niemeyer.

Il annonce tout cela au départ sans aucune vraisemblance, faisant confiance à ses dons d’ubiquité où, par une certaine « magie » qu’il possède comme un don naturel, le feront coller à la réalité. Il a bien entrepris des correspondances à distance avec Walter Zanini, le Directeur du MAC de l’Université de Sao Paulo dont le Musée se trouve à demeure dans les mêmes bâtiments qui hébergent ceux de la Biennale tous les deux ans. Ce détail n’a point échappé à notre « artiste sociologique » qui a remarqué aussi qu’un grand portail toujours fermé sépare ainsi les deux lieux. Il suffisait qu’il soit ouvert pour que la contiguïté s’établisse entre les deux espaces et finalement les confonde pour le public. Donnant ainsi une crédibilité énorme en même temps qu’un caractère officiel à la Biennale de contestation créée par Forest. Le faisant bénéficier aussi par ricochet de la publicité d’un volume énorme pratiquée par la Biennale officielle qui le servait par contiguïté, et qui permettait à Forest et ses complices Brésiliens de drainer un public immense.

Mais il faut aussi beaucoup d’autres moyens techniques et financiers pour assurer le fonctionnement d’une Biennale…Forest le savait bien, comptant sur sa baraka pour les trouver… Au cours d’un repas chez des relations, on lui posa la question à Paris de savoir s’il se rendrait cette année en 1975 à la Biennale comme cela avait le cas en 1973 où sa présence mediatique avait laissé des traces profondes ? Il évoque son manque de moyens. Quand une convive assise non loin de lui, lui dit qu’elle connaît un responsable de la pub auprès d’une grosse entreprise pharmaceutique de Sao Paulo qui pourrait peut-être l’aider ? A ce moment même, grâce à son sens de la divination Forest comprend que le processus magique avait démarré…N’ayant pas encore de réponse de Zanini pour ce qui en était de l’occupation du MAC par sa Biennale 2000, il demanda à ce responsable dont cette charmante convive lui avait jeté le nom pardessus la table, un certain Pierre Landolt. Il demanda donc à ce monsieur tout ce dont il avait besoin, dont une tente immense où installer sa Biennale 2000 au plus près dans le Parc Ibirapuera, à proximité du bâtiment Neimeyer et bien sûr aussi une flopée de choses diverses dont une camionnette + plusieurs caméras + trois assistants + des échelles etc. etc. etc. Par retour d’un courrier rapide, la réponse ne se faisait pas attendre comblant la demande de Forest qui voyait la liste entière de ses voeux exaucée par ce Monsieur Landolt qui avait même ajouté un chèque en blanc afin qu’il puisse régler son ticket d’avion sans lésiner sur le prix pour ne pas devoir faire face au problème de change. La magie avait fonctionné une fois de plus pour lui à plein et ce n’est pas ses anciens collègues postiers à Mascara qui auraient eu quelque chose à redire sur la situation, eux qui continuaient à trimer sur la table de tri pour que le courrier parte à l’heure… Ah j’allais oublier de vous dire l’essentiel : ce Mr Pierre Landolt, Forest apprit sur place après trois mois qu'il était, en fait, l’héritier de la famille Suisse qui possède trois banques en Europe et la deuxième famille la plus riche d’Europe… Vérifiez si vous le désirez, en faisant un tour rapide sur Google.

Dès l’ouverture de sa Biennale 2000, Fred Forest frappe fort par la première journée qu’il consacre aux femmes artistes. Nous sommes en 1975, ne le perdons pas de vue, donc il y a une cinquantaine d’années déjà qui nous sépare de cette aventure vécue… Forest toujours en avance sur son temps et ses contemporains inaugurait ce qui est devenu à notre époque une sorte d’antienne, dont on nous rabâche les oreilles sans que le grand public ne soit encore entièrement convaincu pour autant. Amélia Tolédo, l’artiste phare Brésilienne qu’on voit ici au premier rang sur la photo, féministe avant l’heure, lui a apporté un soutien décisif avec Anesia Pacheco Chaves, Régina Vater, Radah Abramo , comme d’ailleurs Walter Zanini, qui en qualité de Directeur du MAC n’a pas hésité à prendre des risques énormes en mettant l’infrastructure de son musée à sa disposition, afin qu’il puisse monter son action éminemment subversive à la pire époque du régime militaire.

Forest avec son sens inné de la communication anime alors les lieux avec une équipe d’une dizaine d’artistes dissidents qui s’employaient à franchir les portes de communication grandes ouvertes entre la Biennale officielle de 1975 et sa propre Biennale imaginaire qui, elle, se déroulait en l’an 2000…

Chacun des artistes improvisant des performances sur un mode ironique et subversif dont Anésia Pacheco Chaves organisant une réception officielle vêtue en soubrette et dont le seul aliment offert était constitué de régimes de bananes entiers.

Ou cette photo agrandie d’un général officiel lors du vernissage d’ouverture qui faisait l’objet avec la participation du public de son analyse vestimentaire, prétendant par dérision que c’était là le costume choisi des artistes en l’an 2000... Nous aurions encore énormément de choses à vous dire sur la Biennale 2000 mais nous reprendrons demain de peur de vous lasser…

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Biennale de l'an 2000 que Fred Forest démarre sur les chapeaux de roues avec un hommage aux femmes en... 1975

Textes Copyright Fred Forest/ADAGP

 La pratique artistique de Fred Forest s’élabore souvent sur une fiction qu’il oppose à la réalité. C’est le cas justement de l’action Biennale de l’an 2000 qu’il monte en 1975 à l’occasion de la XIIIème Biennale de Sao Paulo à laquelle il n’a pas été invité naturellement après tout ce qu’il a pu faire au cours de la XIIème Biennale et qui a pu déplaire . Mais de toute façon les usages font que les artistes doivent attendre un certain nombre d’années dans ce cas avant d’être de nouveau invités…

Mais l’on sait que Forest est un cas bien spécial qui, par nature, échappe aux normes… Son idée pour pallier à son absence, est d’inventer une Biennale concurrente à la XIIème Biennale officielle de 1975 en la lui juxtaposant. Fort de ses relations multipliées sur place, des contacts avec les médias et de la complicité de Walter Zanini Directeur du Mac (Musée d'Art Contemporain) de Sao Paulo, de quelques artistes et de sa propre détermination, il compte bien y arriver. Puis il commence par générer quelques communiqués de presse à l’intention de Musées du monde entier, où il annonce la création de sa Biennale (fictive) qu’il nomme Biennale 2000 qu’il oppose à la Biennale officielle bien réelle qui se déroule en 1975. Toujours depuis Paris, il contacte un certain Pierre Landolt qui serait responsable au titre d’une grande industrie pharmaceutique du budget publicitaire… Il le contact par courrier en lui expliquant ce qu’il désire faire. Et miracle ! cet homme providentiel qui a entendu parler de ses actions lui répond qu’il est prêt à satisfaire tous ses besoins dès son arrivée et cerise incroyable sur le gâteau ajoute même à sa correspondance un chèque signé en blanc à remplir. Un chèque qui depuis Paris lui permettra de régler au moment venu son voyage, compte tenu de la fluctuation des tarifs des compagnies aériennes ! Un véritable conte de fées pour notre artiste qui reprend immédiatement contact avec Zanini à qui il demande pour son arrivée de fixer une réunion avec des artistes dissidents.

Après une longue conversation avec l'artiste, Zanini en homme de courage, accepte d'impliquer son Musée dans l'action critique que lui propose l'artiste et réunit quelques jours plus tard des artistes dissidents de la Biennale officielle pour discuter des modalités et de la programmation. Sur la photo on reconnait Rada de face sur sa droite Amelia et cachée en partie Anesia Pacheco Chaves, Zanini et Fred Forest.

Forest avec son sens inné de la communication anime alors les lieux avec une équipe d’une dizaine d’artistes dissidents qui s’employaient à franchir les portes de la communication grandes ouvertes entre la Biennale officielle de 1975 et sa propre Biennale imaginaire qui elle se déroulait en l’an 2000… Les locaux du MAC jouxtant dans le même bâtiment d' Oscar Niemeyer, le hall où se déroule la XIIIème Biennale de Sao Paulo. Une opportunité extraordinaire pour Fred Forest que la porte restée grande ouverte en permanence entre les deux lieux permet aux visiteurs de passer de l’année 1975 à l’an 2000 et inversement, intégrant sous le même label sa Biennale de fiction à la réalité officielle contingente.

Chacun des artistes dissidents qu’il présente improvisant des performances sur un mode ironique et subversif dont Anésia Pacheco Chaves organisant une réception officielle vêtue en soubrette, et dont le seul aliment offert est constitué de régimes de bananes entiers qu’elle véhicule dans une brouette. Ou cette photo agrandie contre un mur d’un général officiel de la junte lors du vernissage d’ouverture, faisant l’objet avec la participation du public de son analyse vestimentaire délirante, prétendant par dérision pour des commentateurs en verve que c’était là le costume habituel de fonction que choisissait les artistes en l’an 1975... Chacun et chacune allant de sa propre analyse, description et interprétation. Quant à Fred Forest sous forme d’une conférence de presse fictive assurée avec le plus grand sérieux du monde où il demandait au public d’aller chercher au fond de leurs poches, de leurs sacs ou de leur portefeuille des témoignages de ces années 1975 : factures, cartes d’identité, contraventions etc. Le tout retransmis par un circuit de TV fermé. Fred Forest demandant au public des objets référencés année 2000 que ses assistants inscrivent immédiatement sur une liste ad-hoc.

Forest référençant à l’aide de ses assistants les objets que le public lui remettait fort scrupuleusement. Jusqu’au moment où une personne à l’embonpoint avancé (sans doute un agent de la junte en civil) se campa devant lui, arborant un large sourire, ouvrit sa veste pour découvrir un énorme pistolet à barillet. Fort précautionneusement il en extrayait une balle et la tendait à l’artiste… Ce dernier l’ayant saisi entre le pouce et l’index simulait d'en lire les références. Un silence de plomb était tombé sur la salle maintenant sidérée.  Avec un air aussi satisfait et entendu que son propriétaire, Forest fit mine de griffonner la référence au côté des autres objets sur sa liste, puis retendit l’objet de mort au policier en question et déclarait d’un voix ferme à l’assistance « Oui c’est bien cela cet objet se nommait en l’année 1975 SUPPOSITOIRE ! »

L’homme au barillet disparu immédiatement, la salle d’un coup repris son souffle, et Forest poursuivit méticuleusement son inventaire des documents que le public lui remettait.

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Fred Forest qui a pour un temps abandonné son portapack a franchi le pas de la porte ouverte pour passer de sa biennale de l’an 2000 à celle de 1975 en vue d’effectuer des interviews pour interroger ses responsables à la vidéo d’une façon critique sur les modalités de son organisation et les choix non démocratiques des artistes. On le voit ici porter sur son front la MENTION BIENNALE 2000 alors qu’il interroge le commissaire officiel des USA Jack Bolton. Il interview dès après, le commissaire Français Jacques Lassaigne avec la même verve. Ce dernier a la main mise depuis des années sur ce commissariat et …sur beaucoup d’autres. Peu avant, rencontrant Forest dans une émission de TV le Forum des arts il lui avait lancé d’un ton paternaliste : « Avec votre art technologique vous n’irez guère loin » A cette occasion l’artiste lui fit remarquer que son art l’avait déjà aussi bien que lui, conduit déjà au moins jusqu’à Sao Paulo...

Toutes ces interviews, moisson précieuse, rejoindront en retour la BIENNALE 2000 pour être soumises par une diffusion en continu sur grand écran à la verve parodique d’un public enchanté d’y participer.

1975 Biennale des années 2000 São Paulo
1975 Biennale des années 2000 São Paulo

 

1975 Biennale des années 2000 São Paulo
1975 Biennale des années 2000 São Paulo

 

1975 Biennale des années 2000 São Paulo
1975 Biennale des années 2000 São Paulo

 

Biographie longue de Fred Forest

Fred Forest a une place à part dans l’art contemporain. Tant par sa personnalité que par ses pratiques de pionnier qui jalonnent son œuvre. Il est principalement connu aujourd’hui pour avoir pratiqué un à un la plupart des médias de communication qui sont apparus depuis une cinquantaine d’années. Il est co-fondateur de trois mouvements artistiques : ceux de l’art sociologique, de l’esthétique de la communication et d’une éthique dans l’art.

Il a représenté la France à la XIIème Biennale de São Paulo (Prix de la communication) en 1973, à la 37ème Biennale de Venise en 1976 et à la Documenta 6 de Kassel en 1977.

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